Aujourd’hui, de nombreuses entreprises adoptent – ou se voient contraintes d’adopter – un mode de travail hybride mêlant présentiel et travail à distance. Une redéfinition de d’espace de travail qui nécessite d’adapter les pratiques de management, de communication et de collaboration dans les entreprises.
Pour mieux comprendre cette mutation des modes de travail en cours, nous avons interrogé Bertrand Duperrin, Head of People and Delivery chez Emakina France, et auteur du blog Le bloc notes de Bertrand Duperrin.
Retour sur cet entretien, dans lequel il éclaire plusieurs questions-clés :
- Les entreprises ont-elles vraiment adopté un mode de travail hybride ?
- Quel est l’impact de cette hybridation du travail sur le collaborateur et l’entreprise ?
- Comment redéfinir le rôle du manager et l’expérience collaborateur dans un contexte de travail à distance ?
Du côté des entreprises, une évolution subie
Dans la grande majorité, cette année les entreprises ont subi le télétravail plus qu’elles ne l’ont choisi. Pour certaines, cela s’est bien passé. Mais cela n’a pas été une réussite pour tout le monde. C’est sous la pression du virus et des collaborateurs que les entreprises ont mis en place ce mode de travail. Elles n’ont tout simplement pas eu le choix.
Aujourd’hui encore, beaucoup de RH et de managers freinent des quatre fers dès qu’on leur parle de télétravail, et le concèdent à regret. Le télétravail, en France, c’est comme la voiture de fonction et le smartphone : dans beaucoup d’entreprises, il est encore vu comme un privilège qu’on octroie, et pas du tout comme un modèle d’organisation du travail. On le donne aux cadres, mais on ne le donne pas aux simples salariés.
Une vision encore très répandue est que, si l’on ne voit pas les collaborateurs, c’est qu’ils ne travaillent pas. Ce problème de la confiance est le reflet de notre profonde culture du présentéisme.
Du côté des salariés, en revanche, on est davantage dans une logique de télétravail choisi. Une majorité des salariés qui l’ont testé l’ont apprécié. Mais il ne faut pas non plus tout normaliser : certains veulent revenir cinq jours par semaine au bureau, d’autres ne veulent plus y retourner du tout. Les entreprises doivent ouvrir les yeux. Qu’elles le veuillent ou non : le travail hybride, on y est déjà ; on ne reviendra pas en arrière.
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Les impacts de l’hybridation du travail
Beaucoup d’entreprises se posent encore des questions sur les conséquences de l’hybridation du travail. Mais une chose est sûre : le travail hybride va transformer l’espace de travail, la culture et le mode d’organisation de l’entreprise.
Le bureau va changer de nature. Dans un contexte de travail hybride, ce n’est plus seulement un espace de travail, mais aussi (et surtout) un espace de rencontre et de socialisation. Personnellement, je n’ai plus envie de retourner au bureau pour travailler ; je travaille beaucoup mieux de chez moi. Mais j’ai envie d’y retourner pour voir les gens, faire des réunions, tenir des ateliers, ou même boire un café / discuter avec l’équipe.
Les collaborateurs vont privilégier les moments sociaux choisis aux moment subis. Ils se rencontreront peu pour travailler, mais surtout pour échanger.
La montée en puissance d’une culture du résultat
À distance, on a souvent peur que les gens se planquent et ne travaillent pas. Mais finalement n’est-il pas plus facile de se planquer au bureau ? En effet, à distance, on ne peut fonctionner que dans une culture du résultat, c’est-à-dire selon ce qui est réalisé et livré. À partir de ce moment-là, il est plus difficile de tricher ou de faire illusion.
À distance, la seule chose que l’on voit, c’est ce que vous avez produit. Dans une entreprise qui sera orientée résultats, du fait de la distance, on ne pourra plus se planquer.
Vers une formalisation systématique des processus
Avec la perte des interactions informelles, tout ce qui n’est pas organisé ne se passera pas. Jusqu’à présent, on transmettait des valeurs et des savoirs par le contact et l’observation. Maintenant, c’est fini. Car à distance, tous les processus qui sont un peu flous et informels volent en éclats.
Une entreprise à distance sera donc nécessairement une entreprise hyper formalisée. Pendant le confinement, chez Emakina, on a mis en place un dispositif de suivi et de mentoring renforcé pour que, lorsqu’on onboarde un nouveau salarié, il sache rapidement trouver sa place dans l’entreprise.
Les processus vont être déterminants pour l’expérience employé. C’est la raison pour laquelle il va falloir faire la chasse aux processus inefficaces et identifier ceux qui manquent. Parce qu’au quotidien, un processus qui ne fonctionne pas, c’est une plaie pour les salariés.
Le nouveau (rôle du) manager
Beaucoup de managers ont été traumatisés pendant le confinement, parce qu’ils ont vu que leurs collaborateurs travaillaient très bien à distance. Certains ont même pris conscience qu’ils ne servaient plus à rien … ou que leur rôle devait changer.
Une fois à distance, à quoi sert un manager qui passait son temps à demander du reporting et à vérifier ce que faisait son équipe ? Si c’est un manager qui est dans le contrôle, il se rend compte que les choses fonctionnent sans lui. Et son rôle n’est plus justifié.
Une chose est sûre : depuis quelques temps déjà, les travailleurs du tertiaire n’ont plus besoin d’un contremaître. A l’origine, il y avait des sachants qui recrutaient des exécutants moins instruits qu’eux. Ne pouvant leur faire confiance, ils surveillaient constamment ce qu’ils faisaient.
Mais aujourd’hui, le management doit apprendre à faire confiance et à déléguer. Car dans un contexte de télétravail, un mauvais manager perd ses équipes au bout de 2 mois (démotivation, isolation, perte de productivité…).
Dans les mois/années à venir, il va y avoir un shift du rôle managérial ; le manager de proximité va jouer un rôle de plus en plus important. Ce sera à lui de faire vivre ses équipes et de leur montrer l’intérêt des missions. De plus en plus c’est déjà lui qu’on appelle quand on a besoin d’aide, ou quand on a besoin de parler à quelqu’un. Mais il est aussi là pour assurer le teambuilding et créer du lien social, autant en présentiel qu’à distance.
Une expérience collaborateur désormais omnicanale
Tout comme on a découvert au cours des années 2000 que le consommateur était “omnicanal”, on s’aperçoit ces dernières années que le collaborateur aussi est omnicanal. Typiquement, dans tous les cabinets de conseil, les consultants doivent pouvoir travailler n’importe où : dans un train, dans un aéroport, dans une chambre d’hôtel…
Chacun doit pouvoir faire son travail quel que soit l’outil qu’il a dans les mains, peu importe le fuseau horaire et peu importe l’endroit où il est. Désormais tout doit être dans le cloud. Et c’est devenu un critère incontournable lorsque l’on choisit une nouvelle solution. Fonctionne-t-elle seulement sur ordinateur ? Y a-t-il une application mobile ? Est-elle en SaaS ou on-premise ? Car tout doit fonctionner sur n’importe quel appareil ou système d’exploitation.
Enfin, l’expérience collaborateur doit aussi être personnalisée. C’est un enjeu de marque employeur. Car le collaborateur, tout comme le consommateur, est un market of one. On faut donc se diriger vers une logique de personnalisation de l’expérience. C’est à l’entreprise d’offrir des parcours en phase avec les usages et les attentes de leurs collaborateurs, pour que ceux-ci restent motivés, impliqués et productifs. Aujourd’hui, je trouve que les parcours que l’on a dans l’entreprise sont encore beaucoup trop normalisés, parfois figés.
Il faut que les entreprises prennent rapidement conscience que l’expérience collaborateur est cruciale pour leur survie : à la fois pour attirer de nouveaux talents et pour retenir leurs meilleurs éléments. L’avenir appartient aux employeurs qui l’auront compris.
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La tendance est claire : nous nous dirigeons aujourd’hui vers de plus en plus d’hybridation des modes de travail. Une évolution qui va obliger les entreprises à s’adapter en formalisant davantage les processus, et en privilégiant une expérience collaborateur phygitale grâce à l’adoption d’outils collaboratifs pensés pour les équipes.
Découvrez aussi la liste des meilleurs outils collaboratifs.
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Auteurs : Benoît Renoul, Emmanuelle Abensur