Le télétravail imposé pendant les confinements de 2020 a mis en lumière les risques psychosociaux (RPS) liés à ce mode de travail. Anxiété, hyperconnexion, isolement, difficultés à manager… autant d’écueils qui peuvent être évités à condition de créer des conditions favorables dans l’entreprise. Pour les lecteurs du blog de Talkspirit, la psychologue clinicienne Brigitte Vaudolon passe en revue les bonnes pratiques pour anticiper les risques liés au télétravail, imposé ou pas.
Depuis plus de vingt ans, Brigitte Vaudolon intervient en entreprise sur les questions liées au bien-être au travail. Psychologue clinicienne et coach certifiée par l’EMCC, elle a assisté à l’émergence des risques psychosociaux depuis plusieurs années ; elle est d’ailleurs habilitée intervenante en risques psychosociaux par la DIRECCTE. Son cabinet Be Positive accompagne salariés et entreprises pour les prévenir et y répondre.
Le télétravail, choisi ou imposé, comporte des atouts pour les collaborateurs et les entreprises en apportant de la flexibilité. Mais il faut s’assurer que les besoins de chaque salarié sont bien pris en compte pour que le télétravail n’engendre pas de dérives ou de difficultés imprévues et accompagner la mise en place de bonnes pratiques sur le long terme.
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1 – Rester en lien avec les collaborateurs
“Cela peut sembler évident, mais dans beaucoup d’entreprises, cela ne l’est pas : le télétravail nécessite de garder le lien avec ses collaborateurs. Cela passe par des réunions d’équipe, mais aussi des moments d’échanges informels (comme appeler un salarié pour prendre de ses nouvelles, ou partager une pause café sur un outil collaboratif en visioconférence). En vidéo, on voit si le collaborateur a l’air fatigué, s’il se néglige… Pendant le confinement, beaucoup de salariés sont restés en pyjama toute la journée, ont cessé de se raser, de se maquiller : ce sont des signes d’alerte importants.”
2 – Dialoguer sur l’environnement de travail
“Je conseille aux employeurs et aux managers d’ouvrir le dialogue avec chaque collaborateur sur leur contexte de télétravail. Dispose-t-il d’un bureau fermé ? Doit-il partager son espace avec un conjoint ? Rencontre-t-il des problèmes de connexion à son domicile ?
Se renseigner sur ces points très concrets permet de comprendre comment la personne vit le télétravail, ses éventuelles difficultés, et de trouver ensemble des solutions pour améliorer la situation. Cela permet aussi d’ajuster le niveau d’attente de l’entreprise en fonction de ses possibilités.”
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3 – Apporter de la flexibilité horaire
“Là encore, c’est le rôle de l’employeur et des managers de discuter de l’organisation du travail des salariés, et notamment les horaires de connexion de ceux qui sont en télétravail. Certains préfèrent démarrer tôt leur journée pour disposer d’une plus grande pause déjeuner, d’autres préfèrent dormir plus tard et s’arrêter moins longtemps à l’heure du repas. Discuter ces questions permet d’amener de la flexibilité et de répondre aux besoins de chacun : le télétravail sera ainsi beaucoup mieux vécu.”
4 – Offrir de la flexibilité géographique
“Si le risque sanitaire a bien été pris en compte par les employeurs, beaucoup ont sous-estimé l’impact en risques psychosociaux du télétravail forcé et des confinements. Rester en permanence à leur domicile est très mal vécu par certains. Lorsque les consignes gouvernementales le permettent, il est important d’autoriser les gens qui le souhaitent à revenir sur site pour une ou deux journées par semaine, afin qu’ils retrouvent des contacts humains dans la vraie vie.
Côtoyer des collègues constitue une indispensable soupape de sécurité pour certains salariés : il faut savoir écouter chacun et apporter de la souplesse pour éviter les risques. J’ai conseillé à certaines personnes en détresse de contacter leur RH pour poser formellement la demande de revenir sur site, en expliquant les difficultés rencontrées chez eux et les risques psychosociaux qui en découlent (anxiété, problèmes de sommeil, dépression, etc.) : cela a fonctionné. Quasiment partout, les responsables Ressources Humaines étaient à l’écoute. J’encourage tous ceux qui rencontrent des difficultés en télétravail à faire de même.”
5 – Former au management à distance
“C’est LE grand sujet de demain, … et même déjà le grand sujet d’aujourd’hui ! Les managers ont été confrontés au 100 % télétravail sans forcément être accompagnés, alors qu’eux-mêmes peuvent être en difficultés dans leur propre organisation du travail. Les RH ont un rôle clé à jouer en proposant des formations aux managers, pour leur apprendre à personnaliser leur approche en fonction des collaborateurs, et mettre en place de nouvelles méthodes qui prennent en compte les différents cadres de travail et vécus de chacun.”
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6 – Sensibiliser et encourager à la déconnexion
“Dans beaucoup d’entreprises, télétravail rime souvent avec horaires de connexion très étendus. Pourtant, ce n’est pas parce que les outils sont disponibles qu’une personne a la disponibilité mentale pour traiter des dossiers des heures durant. Les managers doivent se montrer vigilants sur les horaires de connexion de leurs équipes, et prendre l’initiative de la discussion s’ils constatent une hyper amplitude. La personne a-t-elle trop de travail ? Souhaite-t-elle adapter ses horaires en raison de contraintes personnelles ?
C’est l’un des risques majeurs du télétravail : une fois allumé, votre ordinateur ne s’éteindra pas, sauf si vous le décidez. Mais nous ne sommes pas des machines, nous avons besoin de sommeil de qualité, de nous alimenter autrement qu’en lisant nos mails sous peine de perturber la digestion. Plus on utilise la technologie de manière intensive, plus on a besoin d’équilibrer en revenant à des choses simples et saines pour se ressourcer.”
7 – Prévenir les troubles musculosquelettiques
“En télétravail, on bouge moins que lorsqu’on se déplace jusqu’au bureau, et on ne dispose pas toujours d’un poste de travail ergonomique. À la clé, une montée en flèche des douleurs au dos, à la nuque, aux épaules, etc. Les ostéopathes et kinésithérapeutes ont d’ailleurs vu leurs consultations exploser à la fin du premier confinement.
Pour accompagner le télétravail, l’entreprise peut proposer des ateliers pratiques pour apprendre aux collaborateurs les bonnes postures, les mouvements qui décontractent les articulations et le dos, de formation à la “power nap” pour se ressourcer, ou d’initiation à la méditation pleine conscience. L’idée est de fournir aux gens une boîte à outils pour prendre soin d’eux. Quand c’est possible, je recommande aussi de pratiquer les réunions debout : cela mobilise le corps et évite de s’ankyloser devant son écran.”
8 – Apprendre à faire confiance
“C’est peut-être la recommandation la plus essentielle, et un facteur clé de motivation mis en lumière par le premier confinement : les salariés ont vraiment apprécié que leurs managers leur fassent confiance et les laissent avancer sans contrôle permanent. À l’inverse, sur nos lignes d’écoute psychologique, on a aussi recueilli des témoignages de salariés épuisés et démotivés par un contrôle excessif de leurs managers : contrôle des calendriers, des horaires de connexion, etc.
Il y a un travail d’évangélisation à faire pour promouvoir les bienfaits de la confiance au sein de l’entreprise, qui passe par de la formation au management à distance, du dialogue et un changement de mentalité en priorisant la culture du résultat plutôt que du temps passé.”
En conclusion
Le télétravail représente une vraie opportunité de réconcilier certaines contraintes personnelles avec le travail, sans pour autant perdre en productivité. Bien accompagné, c’est une organisation gagnante pour l’entreprise comme pour les salariés ! Mais pour cela, il est essentiel de mettre en place ces bonnes pratiques et de veiller à leur application par les managers et les équipes.
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Pour aller plus loin
Dans son livre La Résilience, ça se cultive au quotidien (éditions Mango, 2019) Brigitte Vaudolon invite chacun à explorer ses capacités de résilience face aux difficultés de la vie, et à tirer du positif des épreuves qui nous heurtent au quotidien. Une lecture plus que jamais d’actualité !
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Auteure : Clémentine Garnier