[Parole d’expert] Noémie Le Menn : comment accompagner le retour au bureau ?

L'équipe Talkspirit
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Temps de lecture : 5 minutes

Cette année, les trois quarts des entreprises françaises ont pour objectif de faire revenir leurs collaborateurs en présentiel¹. Un retour au bureau qui, selon Malakoff Humanis, inquiéterait  60 % des salariés. 

Face à de tels chiffres, certains s’interrogent : faut-il faire revenir l’ensemble des collaborateurs ? Et comment accompagner ce “nouveau normal” ?

Lire aussi : Télétravail : la mort du bureau ?

Pour mieux préparer le retour au bureau de salariés qui ont passé plusieurs mois en télétravail, nous avons interrogé Noémie Le Menn, psychologue du travail depuis 30 ans, et coach depuis plus de 20 ans. Présidente du cabinet upchange Conseil & Coaching, elle accompagne au quotidien les entreprises et les personnes souhaitant conjuguer épanouissement et performance au travail.

Dans cet entretien, elle revient sur les causes d’appréhension des collaborateurs, et formule plusieurs recommandations pour le management, les ressources humaines et les salariés.

Pourquoi le retour au bureau inquiète-t-il les salariés ?

En présentiel, rien n’empêche le manager de contrôler chaque fait et geste de ses collaborateurs. De même, si un salarié ne s’entend pas bien avec certaines personnes de l’équipe, il lui sera difficile d’éviter les conflits.

La peur du virus n’est donc pas l’unique raison pour laquelle les salariés appréhendent le retour au bureau. Pour Noémie Le Menn, « les collaborateurs ont d’abord peur de retrouver des modes relationnels qui étaient pour eux une source de stress et d’inconfort. Par exemple des relations anxiogènes avec leurs collègues, ou un style de management qui ne leur convenait pas ou plus.

En effet, ces modes relationnels ‘toxiques’ s’expriment généralement davantage en présentiel qu’à distance. Par exemple, il est plus difficile pour un manager de ‘fliquer’ ce que font ses collaborateurs lorsqu’ils sont en télétravail. Car à distance, le contrôle est différent : il s’effectue davantage sur les livrables que sur la présence, ce qui limite le micro-management. » 

Comment bien préparer le retour au bureau ?

Afin de lever les peurs des salariés, les ressources humaines et les managers vont devoir réfléchir à comment préparer le retour au bureau des salariés qui sont encore en 100 % télétravail

Pour Noémie Le Menn, l’enjeu clé consiste, autant que possible, à « adopter une approche personnalisée en fonction des tâches, des métiers et des personnalités des collaborateurs. L’objectif est d’identifier les besoins de chacun et d’y répondre en faisant preuve d’adaptabilité et de créativité, pour favoriser l’intérêt commun ».

Les bonnes pratiques RH

Sensibiliser et former les managers

« Dans ce contexte, la priorité des ressources humaines va d’abord être d’accompagner et de former les managers, pour qu’ils sortent d’un management ‘command & control’. L’objectif est qu’ils apprennent à faire confiance à leurs équipes, et aident leurs collaborateurs à devenir plus autonomes.

Pour cela, il faut comprendre les sources d’inquiétude et les appréhensions des managers. Puis les accompagner pas à pas dans le lâcher prise, pour qu’ils acceptent de donner plus de liberté aux collaborateurs », conseille la psychologue du travail.

Lire aussi : Travail hybride : les bonnes pratiques RH et de communication interne

Identifier les collaborateurs à faire revenir en priorité

« Il est également important d’identifier les salariés qui souhaitent revenir au bureau, et de réfléchir à comment on souhaite y organiser le travail.

Plutôt que de forcer les collaborateurs à revenir au bureau, je pense qu’il faut viser une ligne de conduite qui favorise l’épanouissement professionnel de chacun. Ma recommandation est de laisser télétravailler les collaborateurs qui ont démontré qu’ils s’épanouissent et travaillent mieux à distance. Et proposer aux autres de revenir au bureau en fonction de leurs tâches et des normes sanitaires. 

Si l’on force 100 % des collaborateurs à revenir au bureau, on va très vite voir fleurir les arrêts de travail» À l’inverse, une option “à la carte” favorisera le bien-être au travail, et ainsi la performance de l’entreprise.

« Dans tous les cas, je pense que certaines personnes ne voudront pas revenir. Et il faudra s’y préparer. Sébastien Bazin, PDG d’Accor, estime par exemple que 25% de ses salariés ne reviendront pas travailler dans ses établissements », explique Noémie Le Menn.

Remotiver les “décrocheurs”

« Et bien sûr, à l’ère du télétravail, le rôle des RH reste aussi de repérer et de remotiver les personnes qui ont décroché, en portant attention à plusieurs signaux. Ce sont par exemple : les collaborateurs qui ne s’expriment plus, qui ne participent plus aux réunions, qui donnent souvent des réponses en décalé, ou qui coupent systématiquement leur caméra lors des visioconférences. En bref, les personnes qui font tout pour se rendre invisibles.

Afin de remotiver ces salariés, il faudra identifier la ou les raison(s) de leur blocage puis chercher à y répondre. Dans certains cas, on pourra pour cela faire appel à un coach ou à un psychologue du travail. Bien sûr, il n’y a pas de baguette magique : pour que cela soit efficace, il faudra que le salarié lui-même ait envie de s’investir à nouveau dans l’entreprise. »

Les bonnes pratiques de management

Identifier les besoins des équipes

« Pour répondre aux besoins de chacun, les managers vont devoir apprendre à mieux cerner les profils de leurs collaborateurs, notamment : leur niveau d’autonomie et le mode de travail qu’ils préfèrent. »

Repenser ses pratiques managériales

Afin de donner envie aux collaborateurs de revenir au bureau, « les managers devront aussi créer un environnement de travail le plus agréable possible. Pour cela, ils pourront apporter quelques changements à leurs pratiques, par exemple :

  • revoir leur mode relationnel, notamment leur mode d’accueil et leur style de management, en adoptant une posture plus chaleureuse et bienveillante ;
  • créer plus de convivialité en organisant régulièrement des événements de team building. »

Lire aussi : Travail hybride : les bonnes pratiques de management

Faire confiance aux collaborateurs

Enfin, comme expliqué plus haut, « les micro-managers vont devoir apprendre à faire confiance à leurs équipes, c’est-à-dire gérer leur anxiété autrement qu’en contrôlant leurs équipes. »

Afin de garder de la visibilité sur le travail de chacun – sans pour autant tomber dans le ‘flicage’ -, « le manager pourra prévoir des points réguliers avec chaque collaborateur. » 

Pour lui, c’est une relation gagnant-gagnant, car chacun le sait : un collaborateur autonome sera plus motivé et plus engagé qu’un collaborateur qui se sent contrôlé. Avec à la clé des gains de productivité, de créativité et une meilleure fidélisation des salariés. 

Les bonnes pratiques pour le salarié

Être proactif

Enfin, c’est une évidence : les salariés eux-mêmes peuvent faciliter leur retour au bureau

Noémie Le Menn leur recommande de « proposer proactivement à leur manager de réserver certaines activités pour le présentiel (ex : séances de brainstorming, comités projets…) et d’autres pour leurs jours de télétravail (ex : rédaction d’articles de blog, analyse de dossiers stratégiques), afin d’optimiser leur productivité. »

Ils pourront aussi demander plus régulièrement du feedback pour améliorer en continu leur propre organisation. » En outre, plus les salariés demanderont du feedback, plus les managers réduiront leur contrôle.

Pratiquer le test & learn

« Bien sûr, pour faciliter le retour en entreprise, il n’y a pas de réponse unique. 

Je pense que l’idéal est de tester différentes approches pour identifier le mode d’organisation qui permet à chacun d’être le plus performant, puis d’ajuster ses pratiques au fur et à mesure. » 

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Avant de faire revenir les collaborateurs au bureau, les entreprises vont devoir réfléchir à une nouvelle organisation du travail, en privilégiant une approche adaptée à leur activité et à leurs populations. Car si certains ont hâte de retrouver leurs collègues en présentiel, beaucoup ont pris goût au télétravail : selon une étude de l’Apec, 72 % des cadres souhaitent continuer à télétravailler régulièrement après la crise. Il y a donc fort à parier que ce retour au bureau contribue à pérenniser le travail hybride dans nos entreprises.

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¹ Enquête 2021 du cabinet Génie des Lieux

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Auteure : Emmanuelle Abensur

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