Fabienne Billat : « Sans impulsion ni leadership, la transformation digitale est dans l’impossibilité de se réaliser »

L'équipe Talkspirit
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Vous connaissez sans doute Fabienne Billat, connue sous le pseudo @Fadouce sur Twitter. Consultante en communication digitale et en transformation numérique pour les entreprises, elle réalise des interventions, et de l’accompagnement de dirigeants. Elle fait également partie du board de la transformation digitale de la Caisse des Dépôts, le CDC2 et a créé la délégation femmes du Numérique du Syntec Numérique pour Lyon et sa région. Elle répond aujourd’hui à nos questions «transfo». Son mot clef? Management.

Quel est votre mot clef de la transformation digitale ?

digital transfo Talkspirit

Je propose le mot clef « management ». La transformation numérique est culturelle et s’infusera à plus ou moins courte échéance, dans chaque structure et organisation. Elle modifie les usages, les méthodologies, mais, sans la capacité de prise de décision, sans impulsion ni leadership, et donc sans moyens, elle est dans l’impossibilité de se réaliser. 

Le management est ainsi un facteur déterminant, c’est la clé de voûte dans la stratégie de transformation. Mais la réussite de l’intégration numérique réside aussi dans la propension du dirigeant à emmener ses équipes dans la compréhension des enjeux commerciaux et des usages à adopter : par de nouveaux canaux, des outils développés en permanence, des technos qui ouvrent les points de contact avec les consommateurs, mais aussi pour élaborer des systèmes organisationnels optimisés, plus transverses et collaboratifs.

Aujourd’hui la gouvernance demeure très pyramidale et on le répète, les métiers dans les entreprises restent bien trop silotés, compartimentés. Il n’y a pas suffisamment d’échanges alors que les réseaux sociaux et internet le facilitent.

Est-ce par le management que l’on change une culture d’entreprise ? Comment ? 

La culture est intrinsèque à l’entreprise depuis sa fondation, pour qu’elle évolue, il faut des leaders charismatiques et affranchis. À mon sens, le fondement de toute évolution trouve sa genèse dans la philosophie de Socrate, inscrite sur le fronton du temple de Delphes : « Connais-toi toi même ». La culture de chaque société détermine son évolution et sa croissance, mais aussi ses obstacles.

Le manager est en pôle position, pour incarner cette culture et les valeurs de l’entreprise, qui permettent de se substituer aux systèmes de procédures. Et de repartir des fondamentaux, ce qui évite les incompréhensions et inquiétudes du corpus des employés.

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Ensuite, il y a une typologie des managers incontournable à connaître déterminés par l’étude Infosys :

  • Les visionnaires (22 %) qui comprennent que le numérique a le potentiel de transformer totalement leur business,
  • Les explorateurs (50 %) qui s’engagent dans des programmes numériques pour améliorer l’expérience de leurs clients,
  • et les observateurs (28 %) qui ne voient la transformation digitale qu’à travers le prisme de l’efficacité.

Pour renouveler les principes de l’entreprise, le management soutient cette métamorphose par l’apport de formations aux connaissances numériques — j’entends, technologique, mais aussi de compétences d’adaptabilité, d’appropriation. Celles-ci doivent être régulièrement assimilées et permettre la collaboration et la co-création.

Un autre levier d’évolution attribué aux directions est le recrutement. Le biais humain consiste à reproduire l’existant, et se conforte en embauchant des profils similaires. Pour apporter de la créativité et de l’innovation, il s’agit d’ouvrir ses points de vue. Multiplier ses visions avec des personnalités « hors cadre » fait partie des pistes d’investigation. Je vous propose de découvrir le profil d’Harper Reed, embauché comme CTO par Barack Obama pour sa campagne électorale, totalement atypique !

Quel rôle jouent concrètement les dirigeants dans la mise en œuvre du changement ? 

Ils doivent eux-mêmes être convaincus de la nécessité d’adapter leur business modèle et leurs produits à des consommateurs connectés. Et à optimiser l’organisation interne de leur entreprise. Le dirigeant se révèle exemplaire à incarner la mobilité, l’adaptabilité. À lui de représenter, par sa pratique, ses décisions, la capacité à utiliser le vaste champ du numérique, l’engagement, la connaissance des technologies qui vont orienter ses produits et ses organisations. Il apporte une valeur appropriée. Si le dirigeant est dans cette perspective, il embarquera une majorité de ses équipes. D’excellents profils de boss chez Accor, la Française des Jeux, Orange, IBM, Michel Édouard Leclerc, l’illustrent.

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On parle aujourd’hui d’intelligence collective, de management horizontal, d’espaces de travail innovants, de nouvelles postures managériales… Les lignes bougent-elles vraiment en France ?

Ce ne sont pas tant des méthodologies à appliquer qu’un état d’esprit. La mise en place de ces procédures, imposées par les directions, retombe généralement dans des principes de conventions. C’est pourquoi les jeunes chefs d’entreprise qui exercent un management avec des outils connectés, une approche hiérarchique décomplexée, une réactualisation des valeurs du travail, sont les plus aptes à redéfinir des positions inefficaces, réussissent mieux et plus vite. Ces nouvelles orientations managériales existent manifestement. Et il faut les révéler !

Des boîtes comme One point, Michel et Augustin, Tilkee, PopUp House, Kokoroe, se sont créées et organisées en adéquation avec le monde d’aujourd’hui, les clients d’aujourd’hui. Elles s’adaptent au quotidien. Il est plus délicat d’intervenir pour des entreprises fondées sur des systèmes qui ne se sont pas ajustées au fur et à mesure des évolutions, car l’équation recouvre tout le fonctionnement interne, tous les métiers. La plupart des transformations organisationnelles échouent à cause d’une gestion défavorable ou de la résistance des employés au changement (Etude Mc Kinsey). La France n’est pas en avance !

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L’étape de transition dans laquelle nous nous trouvons requiert d’accélérer. Rappelons que l’essentiel de l’économie française est érigé sur des entreprises type PME et ETI, avec un modèle patriarcal pour la plupart, aux usages intangibles, qui ne seront pas remis en question tant que les « affaires tourneront ». Pour celles-ci, les régions font des efforts et offrent quantité de services — comme la plateforme « ma solution numérique » pour Auvergne Rhône Alpes ou l’espace dédié aux activateurs de la Transformation Numérique des Entreprises : @FranceNumFr au niveau national.

Certaines institutions, comme la Caisse des Dépôts, avec le lancement de son comité d’expert digitaux, le CDC2 — sont déterminées à soutenir les entreprises, les collectivités dans leur transformation, sur l’ensemble du territoire. Et c’est un indicateur remarquable.

Concernant les grandes entreprises séculaires, citons Michelin qui fait figure d’exemple sur ces projets avancés, comme la symétrie des attentions : pour les clients et équipiers Michelin, ainsi que pour les employés, l’accompagnement vers le digital manufacturing, avec les meilleurs outils collaboratifs. Nous en revenons à notre focus, l’impulsion est portée par Jean-Dominique Senard, et pilotée par le CDO. Mais, conclut Yves Caseau DSI du Groupe, « c’est véritablement l’affaire de tous, avec une approche très pragmatique. »

Quelles sont les attentes des collaborateurs ? Pourquoi et comment conserver la motivation des équipes dans un monde digitalisé ?

Les collaborateurs sont lassés des blablas corporate infondés. Lassés des postures et des annonces cosmétiques. Par exemple, lorsqu’une jeune recrue découvre sur son nouveau bureau un téléphone fixe, il est évident qu’elle perçoit immédiatement le décalage et le désengagement est latent. Les collaborateurs souhaitent travailler avec les avantages offerts par le numérique. Ainsi qu’ils l’ont adopté dans leur vie quotidienne, puisqu’ils sont également consommateurs, il faut transposer la mobilité, la flexibilité dans le monde du travail.

Commençons par la base, la formation des employés au digital : il y a là un tremplin formidable que les entreprises n’ont pas investi ! Vingt heures de formation allouées annuellement, pour une modification de culture au long terme, c’est totalement insuffisant. Le développement des expertises digitales est d’ailleurs cité en premier (à 54 %), parmi les obstacles qui entravent l’accès à la transformation numérique. Le dirigeant doit offrir les moyens à chacun, de maîtriser tous les aspects du numérique. Et surtout, avec l’aide de l’accompagnement.

C’est une trajectoire dynamique, d’information, d’ouverture, d’échanges avec son marché, qu’il faut instiller pour la créativité dans ses processus. Il apparaît profitable pour chaque collaborateur de bénéficier de ces connaissances, dans des parcours professionnels si mouvants. Pour leur entreprise, ils peuvent se révéler parmi les meilleurs vecteurs, les plus à l’écoute de l’environnement professionnel.

Tous n’adhéreront pas, mais l’énergie de l’entreprise doit rendre possible et dynamiser ce mouvement.

Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner aux entreprises, lequel serait-il ?

Soyez en adéquation avec notre monde digital, pour conserver votre capacité de croissance et entretenir la prospérité !

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