Sébastien Bourguignon, Margo Group : « Le commun des mortels ne devrait jamais entendre parler de la blockchain »

L'équipe Talkspirit
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Temps de lecture : 5 minutes

La Blockchain, vous en entendez beaucoup parler, mais vous n’en avez toujours que quelques notions abstraites, voire clairement nébuleuses ? Respirez, vous voilà entre de bonnes mains ! Nous avons demandé à Sébastien Bourguignon, VP & Lead Digital Influencer chez Margo Group quel serait son mot clef de la transformation digitale. Sans hésiter, il a choisi « blockchain ». Et il nous en parle de façon claire et précise. Qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément, disait l’autre.

Vous avez choisi le mot « blockchain » pour nous parler de transformation digitale. En quoi ce mot est-il essentiel aujourd’hui pour vous ?

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Sébastien Bourguignon : Lorsqu’on parle de la blockchain, on associe souvent ses capacités de transformation à ce que TCP/IP a apporté dans les années 70. TCP/IP est le protocole sous-jacent d’internet, le fait de pouvoir envoyer des mails, consulter des pages web, acheter en ligne, utiliser des applications sur son téléphone mobile ou encore jouer en ligne sur sa console, sont autant de capacités qui ne sont possibles que parce qu’il existe un protocole développé voilà de cela plus de 40 ans. Les inventeurs de cette technologie n’imaginaient certainement pas tout ce qu’il serait possible de faire avec des dizaines d’années plus tard. Eh bien pour la blockchain, on en est au même stade. Cette technologie émergente porte en elle les gènes de nouvelles opportunités que l’on projette mal aujourd’hui. D’ailleurs, le réflexe basique lorsqu’on la découvre est d’imaginer des choses que l’on fait déjà aujourd’hui et tenter d’y introduire de la blockchain dedans. Alors que les réels bouleversements que nous vivrons demain grâce à elle ne sont sûrement pas encore sortis de la tête de ceux qui vont les inventer.

Il n’y a qu’à regarder tout simplement Bitcoin, et les cryptomonnaies au sens large, qui permet de s’échanger de la valeur à deux points distincts du monde, en quelques minutes, sans faire appel à un tiers de confiance. Tentez juste de faire la même chose avec le système tel qu’il existe aujourd’hui avec les banques. Si vous voulez virer de l’argent à un ami à l’autre bout de la planète, la banque mettra sûrement plusieurs jours à le faire, si tant est que vous le fassiez dans un pays autorisé, et elle vous demandera sûrement de justifier pourquoi vous faites ce transfert, à qui et elle va vous prendre très sûrement de gros frais pour réaliser la transaction. Tout cela est déjà totalement transformé avec Bitcoin, on comprend bien dès lors qu’il y a encore bien des innovations possibles avec la technologie sous-jacente à Bitcoin qu’est la blockchain.

Beaucoup ont encore du mal à comprendre la blockchain et ses enjeux. Quelle est votre définition à vous ?

Sébastien Bourguignon : Pour ma part, la définition simple et exhaustive de la blockchain est « une base de données, distribuée et décentralisée, dans laquelle tout le monde peut écrire et lire ce qui est écrit, personne ne peut modifier ou supprimer de la donnée, totalement sécurisée et sans organe central de contrôle ni régulation. »

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Le commun des mortels ne devrait jamais entendre parler de la blockchain, de la même manière que personne n’entend jamais parler de TCP/IP lorsqu’il utilise un ordinateur ou un smartphone. La blockchain devrait être un socle, des fondations, pour une nouvelle forme d’applications.

Quels sont pour vous aujourd’hui les meilleurs exemples d’utilisation de la blockchain ?

Sébastien Bourguignon : Si on occulte le cas des cryptomonnaies qui est clairement le « killer » cas d’usage de la blockchain, il en existe des centaines qui sont aujourd’hui disponibles et fonctionnels.

En voici trois très différents et tout à fait représentatifs de ce qu’il est possible de faire avec la blockchain :

  • AXA a créé une nouvelle forme de contrat d’assurance totalement automatisé, non altérable pour le bénéfice du client qui se voit remboursé instantanément en cas de retard ou d’annulation d’un vol en avion. Pour ceux qui ont déjà testé cette situation avec les assurances traditionnelles, il y a fort à parier que vous ayez abandonné l’idée de vous faire rembourser, car l’assureur vous a normalement posé de nombreux bâtons dans les roues pour vous rembourser, avec souvent beaucoup de mauvaise foi. Avec Fizzy, ce nouveau produit d’assurance, le contrat entre l’assuré et l’assureur est enregistré sur la blockchain et se déclenche sans intervention humaine dès lors que votre avion n’est pas à l’heure. On appelle cela une assurance paramétrique, elle est rendue possible uniquement grâce à la blockchain.
  • Everledger une Startup spécialisée dans le diamant vous vend avec chaque pierre que vous achetez un certificat contenant des informations uniques sur le bijou comme sa taille, sa couleur, sa forme, sa provenance… Lorsque vous achetez un diamant, il vient avec son certificat numérique enregistré dans la blockchain qui prouve l’authenticité. Si vous le revendez demain, vous devrez transmettre le certificat numérique au nouvel acquéreur. Si dans la chaîne de transaction à tout moment ce diamant se retrouve à la vente sans son certificat numérique, c’est que vous avez devant vous soit une contrefaçon soit une pierre volée. Encore un cas d’usage quasi impossible à faire autrement qu’avec de la blockchain.
  • Brave est pour sa part un navigateur nouvelle génération, il permet à son utilisateur de choisir les publicités du navigateur et d’être rémunéré par l’annonceur lorsqu’une publicité lui est présentée. Dans ce cadre, l’utilisation de vos données personnelles par la régie publicitaire pour l’annonceur vous permet de gagner de l’argent, un comble à l’heure des GAFA tout puissants et de la RGPD.

La digitalisation des entreprises passe-t-elle selon vous par l’implémentation de la blockchain ?

Sébastien Bourguignon : La réponse est définitivement « NON » et c’est d’ailleurs un biais que l’on voit émerger ces derniers mois. Tout comme à une certaine période, il était indispensable d’un point de vue marketing d’avoir son site internet, son application mobile ou encore son infrastructure Big Data sans par ailleurs qu’il n’y ait de réels cas d’usage, il est de bon ton de mettre de la blockchain là où il n’y en a pas besoin pour faire plaisir à un DG ou un patron de l’innovation en mal de reconnaissance.

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La blockchain n’a de sens que dans certains cas d’usage déjà maintenant bien identifiés et pour lesquels vous êtes prêts à assumer les contraintes et les enjeux qui vont avec. Pour toute autre situation, le plus souvent une simple application avec une base de données centralisée rendra le même niveau de service.

Pensez-vous que la blockchain concerne toutes les entreprises, tout le monde ? À votre avis, quand deviendra-t-elle grand public ?

Sébastien Bourguignon : La blockchain concerne potentiellement tout le monde et toutes les entreprises à terme. Mais pour le moment, concernant les entreprises il est important de bien comprendre les capacités de cette technologie, les problématiques juridiques associées et les contraintes business avant de se lancer tout feu tout flamme dans un projet de blockchain. Une première étape peut être la mise en place d’un POC (proof-of-concept) pour se faire une idée plus précise.

Pour le grand public, encore une fois au-delà des cryptomonnaies, il y a peu de chances que demain la blockchain rentre dans son quotidien. Il s’agit d’une technologie qui doit se trouver au cœur des applications, dont on ne doit pas forcément connaître la présence pour utiliser ces applications.

Est-elle pour vous une révolution silencieuse ?

Sébastien Bourguignon : Totalement, elle va infuser dans de nombreuses entreprises, permettre de créer de nouvelles applications, de nouveaux business model, mais sans forcement que l’utilisateur final en soit conscient ou même qu’il ne la voit.

Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner aux entreprises, lequel serait-il ?

Sébastien Bourguignon : Ce serait de bien appréhender cette technologie, d’en comprendre les capacités et surtout de tester pour se forger ses propres convictions. La blockchain reste encore très émergente, je la compare souvent à ce qu’était le Big Data il y a 5 à 6 ans de cela dans les entreprises et pour le grand public, une technologie nébuleuse dont on pense qu’elle permet des opportunités incroyables, mais pour laquelle il n’existe pas beaucoup d’expertise sur le marché et un manque important de maturité technique. D’ailleurs, si on reste sur cette comparaison, le grand public ne voit jamais le Big Data frontalement, ce sont les entreprises qui ont implémenté des cas d’usage leur permettant d’exploiter tout le potentiel de leur stock de données pour en tirer une valeur qu’elles n’exploitaient pas jusqu’à présent.

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