Lorsque l’on parle de digital et de générations, les préjugés nous viennent très vite à l’esprit : les plus jeunes, habiles, nés avec un smartphone au creux de la main, face aux générations précédentes fortes d’expérience, mais cherchant encore leurs repères dans un monde de plus en plus virtuel. Il est très tentant d’arrêter notre pensée à cette caricature, mais la réalité est toute autre : les facteurs de notre habileté à comprendre les enjeux de la transformation digitale vont au-delà de notre simple année de naissance. Profitons de cette déconstruction de mythe pour mettre à jour les vraies barrières de la transformation digitale dans l’entreprise.
L’habitude, ce rempart à l’évolution et facteur d’inclusion générationnelle
Changer n’est jamais chose simple, les managers le savent bien : 39 % des managers disent rencontrer des difficultés dues à la résistance au changement. Cette résistance est tout à fait normale, l’habitude aux outils ou aux méthodes de travail installe une zone de confort, et donc de confiance au travail. De ce point de vue, le changement se traduit par une prise de risque qui demande de l’attention, du temps, et donc de l’argent. Mais sommes-nous tous égaux face au changement ? On imagine plus facilement un profil junior s’adapter plus vite à un nouvel outil, car il n’a pas encore eu le temps d’ancrer ses marques. À l’inverse, un profil sénior habitué à un management vertical mettra plus de temps à travailler dans une méthodologie agile, où les décisions sont prises de manières plus transversales et au management plus souple. Quel que soit le profil, pour qu’un changement s’opère sereinement, le collaborateur devra rester dans une zone d’apprentissage, à l’inverse d’une zone dite de panique, aux risques minimes, et où l’expérimentation est promulguée. Quelle que soit la vitesse d’appréhension d’une nouveauté, c’est à l’entreprise d’apporter un
La culture d’entreprise, ce moteur de changement
La culture de l’entreprise joue énormément sur le comportement de ses acteurs. Il ne suffit pas de bons managers pour changer l’état d’esprit de tous les collaborateurs. Ils ont besoin d’un environnement bénéfique à la prise de risque, au développement personnel, qui ne sanctionne ni ne juge l’erreur dans le cadre d’un apprentissage. La culture de l’entreprise indiquera par exemple comment est traitée l’information : est-elle transparente ? Permet-elle à tous de se sentir investis dans l’aventure que propose l’entreprise ? Le partage et l’entraide sont-ils encouragés ? Les acteurs de l’entreprise ne sont pas les seuls sujets au changement, la culture de l’entreprise doit d’abord mettre la main à la patte.
C’est une fois ce travail en amont effectué que l’on peut penser à la manière dont la transition s’opère, au-delà d’une simple question de génération. Car on oublie très souvent que les méthodologies agiles existent depuis 2001. Où même que Google, souvent cité pour sa culture d’entreprise originale, est né de deux fondateurs issus de la Génération X (1973). À l’inverse, on verra de jeunes cadres évoluer dans des secteurs plus orthodoxes, où l’innovation technologique se fait de manière brute et lente. Ce n’est qu’une fois que la culture d’entreprise aura changé, que l’on peut réfléchir à une méthode management orientée vers le changement.
La curiosité n’a pas d’âge
« Vous êtes le produit de votre société » nous répétait Bourdieu. On ne peut nier la part d’influence de l’environnement sur notre vie, encore plus lorsque l’on parle de technologie. Sur ce point, les types de générations ont effectivement certains avantages : la place qu’a prise internet dans nos vies depuis les 20 dernières années a complètement changé notre tissu social, notre mode de consommation, notre rapport au travail. Il y a forcément une adaptation nécessaire aux anciennes générations. Mais ne pas être né sous la bonne étoile n’est pas une fin en soi. Votre curiosité joue pour beaucoup, les entreprises ne demandent pas aux moins adeptes de soudainement devenir développeur logiciel. Par nécessité, les outils et plateformes que l’on utilise aujourd’hui deviennent de plus en plus ouverts et intuitifs. Les enjeux de la digitalisation de l’entreprise se fondent sur quelques principes, mais surtout par un changement de mentalité au quotidien, une curiosité de tout instant, et ce qu’importe votre âge. Les nouvelles générations ont peut-être une marge d’avance et portent souvent la casquette d’ambassadeur du digital. Mais que penser de Bill Gates, qui s’avance sur ses 63 ans, ou même à Jeff Bezos, lui-même un peu plus jeune d’une dizaine d’années, qui savent garder cette curiosité technologique sur des sujets qui pourraient bouleverser notre quotidien. L’apprentissage est une gymnastique qui s’entretient à tout âge.
Oui, inclusion générationnelle nous force à nous poser des questions sur notre approche à la formation. Il y a effectivement une part de vérité dans les discours hâtifs : les Générations Y et bientôt Z ont une marge d’avance sur le digital. Mais elle n’a que peu d’impact sur la capacité aux entreprises à aider ses acteurs à transformer leur environnement de travail au digital, et aux collaborateurs à s’intéresser au futur de leur métier. Une équation qui garde son sens aujourd’hui, mais qui risque d’ajouter de nombreuses inconnues aux générations futures.