Appels pendant les vacances, e-mails envoyés à minuit, SMS le week-end… Avec l’augmentation du télétravail et du travail hybride, la frontière entre vie privée et vie professionnelle se brouille de plus en plus. D’après une étude du cabinet Eléas, plus des ⅔ des cadres français utiliseraient leurs outils numériques professionnels le soir et le week-end. Pour limiter cette hyperconnexion, une nécessité : faire appliquer le droit à la déconnexion.
De quoi s’agit-il ? Et que prévoit la loi pour assurer le respect de ce droit en entreprise ? C’est l’objet de cet article.
Définition
Le droit à la déconnexion peut être défini comme le droit du salarié à se déconnecter de ses outils numériques professionnels et à ne pas être contacté par son entreprise en dehors de son temps de travail habituel, y compris lorsqu’il est en télétravail.
Ces outils numériques peuvent être tout aussi bien :
- des outils physiques : ordinateurs, tablettes, téléphones portables… ;
- des outils en ligne : messagerie d’équipe, suite bureautique, intranet, logiciel collaboratif…
Ce que dit la loi
Le droit à la déconnexion est un concept d’origine française qui est apparu dans le Code du travail en 2016. Depuis lors, d’autres pays européens ont également suivi la tendance. L’Espagne, l’Italie et la Belgique l’ont introduit dans leur législation nationale, et le Parlement Européen a adopté une résolution le 21 janvier 2021.
Entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la loi Travail (aussi appelée loi El Khomri) oblige toutes les entreprises de plus de 50 salariés à négocier des règles de déconnexion lors des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail.
Si un accord collectif n’est pas obtenu, l’entreprise est tenue d’élaborer une charte de droit à la déconnexion, après avis du comité social et économique (CSE) ou des délégués du personnel.
L’employeur qui ne respecte pas ce droit de négociation encourt un an d’emprisonnement et 3 750 € d’amende.
L’objectif ? Éviter que le salarié soit sollicité en dehors de son temps de travail. C’est-à-dire tard le soir, pendant ses jours de repos ou de congés, ou lorsqu’il est en arrêt maladie.
Ainsi, le droit à la déconnexion permet de :
- faire respecter les horaires de travail ;
- garantir le temps de repos minimum de 11h par jour ;
- réguler la charge de travail ;
- prévenir les risques psychosociaux ;
- rétablir une séparation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Dans le cas où le salarié doit rester joignable en permanence, l’employé a l’obligation de lui verser une compensation financière, ou de lui accorder des congés supplémentaires pour compenser la période d’astreinte.
Les limites de la loi Travail
Bien qu’elle soit pionnière en matière de droit à la déconnexion, la loi El Khomri présente plusieurs limites.
Bien qu’elle oblige les entreprises à négocier sur le droit à la déconnexion, elle ne prévoit aucune sanction pour les employeurs qui ne l’appliquent pas, qui ne possèdent pas d’accord collectif ou de charte de droit à la déconnexion. De même, aucune mesure concrète n’est prévue pour s’assurer de l’efficacité de la politique mise en place.
Le Code du travail ne mentionne pas non plus comment faire lorsque le salarié est en télétravail. Il en revient donc à l’entreprise de mettre en place ses propres règles de droit à la déconnexion en télétravail. Mais en pratique, peu d’entreprises franchissent le pas : selon une enquête de l’Ugict-CGT DE 2020, près de 80 % des télétravailleurs ne disposent pas d’un droit à la déconnexion.
En raison de l’absence de sanction, le droit à la déconnexion est rarement mis en œuvre, et ce même dans les grandes entreprises. Ainsi, “il n’est pas rare de voir des gens connectés très tard le soir, ou même le week-end”, affirme Brigitte Vaudolon, psychologue clinicienne et coach en bien-être au travail.
Lire aussi : Les enjeux du droit à la déconnexion
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Cet article est extrait du Livre Blanc « Droit à la déconnexion : guide de survie en télétravail« . Vous y découvrirez : les enjeux du droit à la déconnexion, des bonnes pratiques pour le mettre en place, et des exemples concrets d’initiatives instaurées dans les entreprises.