Nous avons échangé avec Arnault Chatel, responsable pédagogique du MBA spécialisé Digital Marketing & Business de l’EFAP. Ses domaines de prédilection ? La transformation digitale, le social media et l’intelligence artificielle, avec comme fil rouge, la formation. Plus qu’un mot clef, c’est pour lui un mot d’ordre. Formons-nous au digital, avant qu’il ne nous dépasse et profitons des formidables opportunités qu’il nous propose !
Vous avez choisi le terme formation, pourquoi fait-il sens aujourd’hui pour vous dans votre réflexion sur la transformation digitale ?
Arnault Chatel : Aujourd’hui, tout va très vite. Chaque jour, de nouveaux produits sont lancés sur le marché, et parmi ceux-ci, de nombreuses technologies dont nous ignorons tout de leur potentiel. Il me paraît donc essentiel de ne pas se faire dépasser, de savoir ce qui se passe et surtout d’arriver à suivre ! C’est loin d’être une évidence et nombreux sont ceux qui ne « sont plus dans le coup ». Alors que faire ? Pour ma part, je suis convaincu que pour suivre le train en marche, il faut se former. Grâce aux livres bien sûr, mais pas seulement. La formation telle que je l’entends, c’est du face à face, afin qu’il y ait un transfert de compétences entre des professionnels et des personnes qui sont prêtes à recevoir.
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En tant qu’expert du digital, vous ne recommandez pas une formation en ligne, 100 % digitale ?
Arnault Chatel : A mon sens, le combo parfait, c’est le présentiel et l’e-learning. Les MOOC sont très efficaces et très utiles, mais rien ne vaut pas l’échange humain entre l’intervenant et l’apprenant. La formation au digital ne doit pas être que digitale. J’irais même plus loin. Ce n’est pas parce qu’un service se digitalise qu’il doit le devenir à 100 %. D’ailleurs, on parle beaucoup maintenant de phygital. Ma définition de la formation d’aujourd’hui, c’est en fait un juste dosage entre de la formation en ligne, et du face à face, parce que ce qui compte avant tout, c’est l’expérience client.
Qui forme-t-on au digital ?
Arnault Chatel : Absolument tout le monde ! Reprenons notre chaîne de valeur de Porter qui découpe en business unit les différents services de l’entreprise. En tant que personnes travaillant dans le marketing et la communication, nous avons été impactés très vite par le digital sur l’aspect commercialisation, parce que c’est ce qui est le plus visible. Mais ce qui est problématique, c’est qu’aujourd’hui cette transformation touche tous les pans de la société : administratif, R&D, administratif, juridique, etc. Si l’un des services est équipé et l’autre pas, tout tombe, parce que tout est lié. Il me paraît donc essentiel de former tout le monde à la prise en main d’outils, par la formation, mais aussi par l’acculturation. En permettant à chacun de comprendre son intérêt. Beaucoup de salariés perçoivent la transformation comme un ennemi qui va leur prendre leur travail, parce qu’on ne leur explique pas que grâce aux outils, ils vont pouvoir travailler mieux. Et malheureusement parfois les entreprises ne prennent pas le temps d’expliquer en quoi la transformation digitale est une vraie opportunité, mais l’imposent comme un état de fait. C’est bien normal d’avoir peur de quelque chose qu’on ne comprend pas.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’acculturation ?
Arnault Chatel : L’acculturation est un accompagnement qui permet une prise de conscience. Il s’agit d’expliquer comment le digital va impacter le travail et rendre service à chacun. Les derniers chiffres sont pourtant explicites : 85 % des métiers de 2030 nous sont inconnus. Si on n’apprend pas aux gens à apprendre, on risque d’avoir quelques problèmes.
J’ai coutume de dire à mes étudiants que l’objectif de la formation est d’apprendre à désapprendre pour réapprendre. Aujourd’hui un bac +5 ne marque pas la fin des études, au contraire, cela ne fait que commencer.
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Peut-on vraiment former tous les collaborateurs ?
Arnault Chatel : On le peut et surtout on le doit. Ne pas le faire, c’est mettre des gens sur le bas-côté. Mais bien sûr, il y a toujours des personnes plus réticentes. C’est ici que l’acculturation joue un rôle crucial. C’est la première étape avant la formation en fait. Il est aussi essentiel d’identifier les bonnes personnes en interne qui vont pouvoir prêcher la bonne parole et créer de confiance.
Quelles expériences avez-vous pu faire de la transformation digitale en entreprise ?
Arnault Chatel : Nous avons encore beaucoup de travail à faire ! Nos étudiants qui sont « piqués au digital » en font les frais. Ils passent beaucoup de temps en entreprise et nous en parlent : il y a un vrai fossé entre l’école et la réalité de l’entreprise, où ils ont la sensation de ne pas parler la même langue.
Pour ma part, j’ai eu l’occasion de travailler dans une belle administration, où il y avait un besoin évident de transformation, mais aussi une problématique d’acculturation des collaborateurs. Nous avons eu beaucoup de mal à faire adhérer à la prise en main d’outils pour des raisons historiques et culturelles. Ils voyaient cela comme un ennemi, comme l’outil qui allait prendre leur travail. J’en garde un souvenir un peu amer, parce que j’étais convaincu que nous devions y aller. Mais parfois le problème vient d’en haut.
D’ailleurs sans vouloir soulever le débat, le problème n’est-il pas politique ? Les dirigeants de notre pays devraient prendre l’IA comme un vrai sujet de société, un sujet urgent dont il faut réellement se saisir. Comment véhiculer la bonne parole si nos leaders n’y croient pas ? Imaginons la scène mondiale comme un terrain de tennis, avec à gauche, les GAFA, à droite : les BATX et dans les tribunes, l’Europe qui regarde le match. Parce que la valeur aujourd’hui elle vient d’où ? De la data. Et qui a les data ? Les Chinois et les Américains. L’Intelligence artificielle devrait être une grande cause nationale. Dans l’éducation nationale, pas une personne n’est spécialiste de l’IA et pourtant les premiers impactés sont nos enfants. Il faut chercher une équation IA + humain supérieure à l’IA toute seule. Comment ? En cultivant la curiosité, en comprenant qu’on va devoir se former tout le temps. En étant convaincu qu’il faut apprendre à apprendre.