Connaissez-vous le Liberté Living Lab ? Cet endroit ne ressemble à aucun autre. Associations, entrepreneurs, startups, grands groupes et écoles, y ont élu domicile pour former un écosystème vertueux qui œuvre chaque jour pour mettre la tech au service du bien commun, de la société, de l’environnement. Nous avons rencontré Thomas Cottinet, son fondateur. Son mot clef de la transformation digitale ? Tech for good, évidemment !
Vous avez choisi « tech for good » pour nous parler de transformation digitale. Pourquoi ce choix ?
Thomas Cottinet. La transformation numérique est souvent traitée comme une fin en soi. La Tech for Good incarne une contribution positive de la transformation digitale aux enjeux de société : une contribution qui fait sens, au service de l’impact positif social ou environnemental. Co-dirigeant du Liberté Living-Lab, qui porte une vision claire et ambitieuse de la Tech for Good, je suis également membre du réseau Entrepreneurs d’Avenirs qui milite pour « Humaniser le progrès ». Cette cause me tient à cœur.
La « tech for good » est-elle pour vous l’avenir de la tech ?
Thomas Cottinet. Oui : à la fois du fait de ses potentialités, à l’instar de celles de l’orientation de la blockchain et l’intelligence artificielle au service de l’intérêt général, et du fait des attentes de la société. Ces attentes glissent progressivement vers une résolution à grande échelle des défis de société : l’urgence écologique, l’éducation de qualité pour toutes et tous, une mobilité, un logement, une eau et une énergie durables et accessibles, la solidarité, la parité, une participation facilitée à la vie démocratique, des médias sans fake news… Or sur l’ensemble de ces défis la tech for good apporte incontestablement, elle rend possible un impact rapide, massif, scalable.
N’y a-t-il pas un effet buzz word comme le reflet d’une tendance qui pourrait n’être que passagère ?
Thomas Cottinet. Je suis convaincu que ce n’est pas qu’une mode. Les aspirations des talents de la tech, leur volonté, voire leur exigence, de mettre leurs compétences au profit de l’impact social, environnemental et de l’intérêt général vont demeurer des leviers importants dans la montée en puissance de la Tech for Good.
Les attentes des citoyens à l’égard de la transformation des services publics vont continuer à susciter des projets au cœur desquels la Tech for Good se retrouvera.
La demande des consommateurs de produits durables, garantissant un respect des standards sociaux, environnementaux ou éthiques fait également grossir les marchés auxquels la Tech for Good peut répondre en partie.
La société dans son ensemble n’est pas en reste : la loi Pacte, avec son volet « entreprise à mission », ouvre une nouvelle possibilité de pivoter au service du bien commun pour les entreprises volontaires. Cette évolution du Code civil et l’appropriation que peuvent en faire les entreprises françaises, à l’instar de celles qui étaient déjà labellisées B Corp, vont contribuer à faire prospérer la Tech for Good. L’initiative « 10 pour cent » de Christophe Itier va aussi dans ce sens en appelant à l’accélération de la transition des entreprises vers ces missions servant le bien commun. Le risque est que cela relève en partie de washing plutôt que d’un réel tournant : à mon sens, le risque de sanction par certains consommateurs exigeant ce changement et les enjeux de recrutement et fidélisation des talents en recherche de sens devraient motiver des entreprises à réellement opérer ce tournant.
Qui sont les acteurs de la tech for good, et comment rassembler le plus grand nombre derrière cet étendard ?
Thomas Cottinet. Les acteurs sont des start-up, des entreprises, des pouvoirs publics, des associations, des chercheurs et experts. En 2018 un premier groupe d’acteurs de la Tech for Good française, dont le Liberté Living-Lab, ont créé FEST, pour France Eco Sociale Tech. FEST rassemble et structure la filière française de la Tech for Good. Présidée la première année par Frédéric Bardeau (Simplon), puis par Eva Sadoun (Lita.co) et Jean Moreau (Phénix), FEST a cartographié la filière et en soutient le développement en la promouvant, la connectant et lui apportant des conseils en financement ou structuration juridique. Plus de 400 structures, essentiellement des start-ups, sont déjà répertoriées par FEST dont 150 qui y ont adhéré. Les pouvoirs publics soutiennent ce rassemblement à l’instar de l’Élysée qui a donné une forte impulsion à la visibilité de la Tech for Good avec son sommet concomitant à Vivatech.
Vous dirigez le Liberté Living Lab, un lieu que l’on a déjà qualifié de QG de la tech for good. Parlez-nous de cet écosystème, en quoi est-il représentatif de la construction d’une société dirigée vers le bien commun ?
Thomas Cottinet. Je suis codirigeant aux côtés de Marylène Vicari, fondatrice, Rudy Cambier et Nathanaël Valero. Dès sa création, le Liberté Living-lab a constitué un écosystème dédié à la Tech for Good, bien avant que le terme ne soit popularisé en France. C’est pourquoi Forbes nous qualifiait déjà de QG de la Tech for Good. La matrice de l’écosystème du LLL repose sur les trois critères de l’« entrepreneuriat — tech — d’intérêt général ». Les start-up y développent des solutions tech d’intérêt général, par exemple pour les demandeurs d’emploi (Bayes Impact), les écoliers autistes (Learn Enjoy), les institutions (Open Source Politics), l’intelligence artificielle éthique (Jalgos), les médias qui font la guerre aux fakes news (Climate Science Feedback), la micro accession à la propriété (Qlay – Coalescent), l’orientation scolaire attractive (Impala), le suivi éducatif (Lalilo), l’apprentissage augmenté par la réalité virtuelle (Wonda VR), la mise à niveau des données de santé (Arkhn), les troubles du langage (Mila)… et ces start-up côtoient des intrapreneurs de grands groupes. Enfin acteurs et chercheurs publics sont également membres actifs de l’écosystème illustrant notre relation privilégiée et historique avec l’intérêt général : l’équipe de French Impact, les Entrepreneurs d’Intérêt Général ou encore la Chaire Innovation Publique de l’Ena, l’Ensci, l’Ecole Polytechnique et Science Po. En phase avec son écosystème, le Liberté Living-Lab développe aussi ses propres produits en soutien aux entreprises et aux pouvoirs publics : une nouvelle business unit, la « Tech Factory », a d’ailleurs récemment été mise en place pour accélérer l’intégration de l’IA, de la blockchain, du big data dans les solutions et les organisations.
Thomas Cottinet. S’intéresser aux dynamiques qui permettent de rencontrer régulièrement des acteurs extérieurs à son univers : pouvoirs publics, chercheurs, experts, citoyens… Hybrider et organiser la porosité avec ces autres écosystèmes.