Chez Talkspirit, nous aimons les mots et surtout leur sens. Et il en est un qui forcément nous plaît bien. Il s’agit d’un hashtag très couru dans la sphère RH et innovation : « collaboratif ». Or, à force d’être martelé sur Twitter, avons-nous vraiment toutes les clefs pour comprendre de quoi il s’agit ? N’est-ce pas juste un « trend topic » vide de sens ? Nous avons eu envie d’y voir plus clair et sommes allés en parler avec l’expert de la transformation digitale, Emmanuel Vivier, cofondateur du HUB Institute et auteur du Guide de la Transformation Digitale.
Let’s talk collaboratif Emmanuel !
Le hashtag #collaboratif est très utilisé aujourd’hui dans la presse spécialisée sur la transformation digitale.
Peux-tu nous donner ta définition du collaboratif ? Un concept à la mode ou une vraie ligne de direction ?
Emmanuel Vivier : Le collaboratif, à mon sens, c’est avant tout une valeur. C’est la volonté d’engager ses collaborateurs dans un processus de transformation auquel tout le monde va participer. Mais pour qu’une valeur ait du sens, il faut la rendre concrète tout de suite. C’est ainsi toute une culture à mettre en place sur la durée, en passant par des exemples concrets, l’idée étant toujours d’expliquer les comportements attendus. Une culture d’entreprise n’est pas collaborative en elle-même ; il faut la créer, l’insuffler au sein des équipes.
Quand on parle de valeur, on pense aux valeurs de l’entreprise. Est-ce que le collaboratif y a sa place ?
E.V. : C’est même exactement l’idée ! Voilà un bon exemple de mise en place d’une culture collaborative au sein d’une entreprise : proposer à ses collaborateurs de co-construire les valeurs. Bien souvent, les salariés ne connaissent pas les valeurs de leur entreprise. Et pour cause, elles sont pensées en haut, au sein des directions, pour être diffusées vers les collaborateurs dans une logique pyramidale qui fait encore défaut dans beaucoup de pays comme la France. Le fait de proposer aux collaborateurs de co-créer les valeurs leur permet de se les approprier tout de suite, donc de baser la culture d’entreprise sur cette notion de partage. Le collaboratif, c’est aussi ça, le partage de valeurs, l’idée étant d’aligner les intérêts de toutes les entités pour créer un mouvement fédérateur.
Et en termes de communication externe, est-on encore dans le collaboratif ?
E.V. : Bien sûr ! Accepter le partage de valeur avec l’extérieur, c’est toujours de la transformation digitale. Aujourd’hui, on ne peut plus se passer des gens. Et les grands groupes le comprennent de plus en plus en s’intéressant de près à l’open innovation, en travaillant main dans la main avec des startups, pour créer des synergies sur des projets porteurs de changement, comme le fait justement Apple qui ouvre son API à de nombreux développeurs prêts à vendre leur projet. Aujourd’hui, il ne s’agit pas nécessairement de gagner des parts de marché en se mettant en concurrence. On peut aussi trouver un modus vivendi tout aussi intéressant en étant dans le partenariat, bref dans la collaboration.
Co-llaboratif, co-création,… c’est donc l’esprit de partage qui prévaut dans la transformation digitale ?
E.V. : On est clairement dans l’ère du « co », jusque dans nos espaces de travail qui deviennent des « coworking ». Dans les pays scandinaves, on est même passés à la « co-direction » ! Sans parler des entreprises libérées et des concepts comme l’holacratie qui ont le vent en poupe. Sans aller jusque-là, il s’agit avant tout de prendre conscience que tout le monde fait partie du même bateau et que, pour qu’une entreprise fonctionne, il faut faire circuler l’information. Aujourd’hui, j’aime dire qu’on ne fait plus lever les gens pour du ROI. Ils ont besoin de sens, de liberté, et même de se sentir responsabilisé.
Quand on parle « collaboratif », forcément nous, on pense aux outils collaboratifs, comme les réseaux sociaux d’entreprise. Et toi les outils, ça t’évoque quoi ?
E. V. : Je suis convaincu que les réseaux sociaux d’entreprise sont très utiles pour faire circuler l’information et la rendre plus transparente. Mais il ne faut pas perdre de vue la donnée humaine. Nous ne cessons de le dire, en particulier au HUB Institute : la transformation digitale ne se résume pas seulement à mettre en place des outils, mais consiste avant tout d’une transformation humaine. Si l’on veut déployer un outil collaboratif comme un RSE ( Réseau Social d’Entreprise), il est donc important, comme je le disais tout à l’heure, de créer d’abord une culture propice à son intégration.
Je conseillerais par exemple de s’appuyer sur les méthodes agiles – en mettant en place une équipe pilote qui va tester l’outil avant tout le monde. Et puis, bien sûr, il faut bien sélectionner l’outil, et faire un travail d’accompagnement dans la prise en main. Ne choisissez pas un réseau social d’entreprise juste parce que ça a l’air cool mais sélectionnez quel type d’informations vous souhaitez partager au travers de ce réseau. Sinon, c’est l’échec assuré. Par exemple, on peut décider que le travail de veille ne sera désormais partagé que sur la plateforme, et à aucun autre endroit. C’est ce que nous faisons au HUB Institute et cela fonctionne très bien. Mais pour que ça marche, il faut le définir en amont et le communiquer à ses collaborateurs !
Le mot de la fin, ce serait quoi pour toi ? Collaborer pour se transformer ? Se transformer pour collaborer ? Collaborer plus pour travailler mieux ?
E.V. : Mieux collaborer pour créer une vision partagée !